Le crime de compassion peut coûter 20 ans
Il leur a donné à manger et à boire, il leur a trouvé où dormir. Mais selon les procureurs de l’Arizona, les actions humanitaires du docteur Scott Warren, un volontaire qui avait fourni une aide de base à deux migrants du Honduras, étaient criminelles… à tel point qu’ils ont intenté contre lui une poursuite controversée qui aurait pu entraîner jusqu’à 20 ans de prison. Bien que l’affaire à enjeux élevés se soit terminée par un vice de procédure, le gouvernement n’a pas abandonné les accusations. La possibilité d’un nouveau procès est encore élevée.
Aider un migrant : un crime lourd de conséquences
Cette tactique émergente des gouvernements qui ciblent les individus qui ont fait preuve de compassion envers les réfugiés et les migrants va non seulement à l’encontre des valeurs humaines fondamentales, mais elle représente aussi une nouvelle augmentation inquiétante dans la répression des droits des personnes. Le cas de Warren, en particulier, a attiré l’attention des médias du monde entier et est devenu emblématique de l’hostilité ouverte manifestée envers les migrants et les réfugiés par le gouvernement du président Donald Trump. Pourtant, de nombreux Américains ont été consternés par la tragédie humanitaire qui se déroule à leur porte.
La mort des personnes qui ont traversé le désert aride de Sonoran, en Arizona, n’est pas un accident tragique. Il s’agit plutôt de l’aboutissement d’années de politique du gouvernement fédéral visant à dissuader les gens d’essayer d’entrer aux États-Unis en fermant les routes migratoires existantes et en forçant les gens à emprunter les routes les plus dangereuses et les plus éloignées possibles. Les autorités frontalières américaines ont enregistré plus de 7 000 décès aux frontières au cours des 20 dernières années, et l’Arizona est l’une des régions les plus meurtrières avec 40% des décès. D’autres volontaires ont été la cible d’accusations de délit fédéral, pour avoir par exemple laissé de l’eau potable dans le désert.
Le crime de compassion s’exporte en Europe
Amnesty a documenté d’autres cas de crime de compassion sur le Vieux Continent, y compris en France. Les autorités se sont abaissées au point de cibler des personnes comme Martine Landry, une retraitée de 75 ans qui fait du bénévolat. L’année dernière, elle a été poursuivie pour avoir aidé deux demandeurs d’asile de 15 ans en France. Elle a emmené les deux garçons au poste de police pour qu’ils puissent enregistrer leur demande d’asile et être pris en charge en tant que mineurs. Elle a été accusée à tort d’avoir facilité l’entrée des deux mineurs étrangers, ce qui lui a valu une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans et une amende de 30 000 euros. Martine a été libérée, mais le procureur général a fait appel de la décision. L’affaire contre elle est toujours en cours.
Et bien que la Cour constitutionnelle française ait jugé que le principe de fraternité inscrit dans la Constitution protège la liberté d’aider les autres, quel que soit leur statut d’immigration, cette décision n’a pas empêché les autorités françaises de continuer à cibler les militants qui aident les migrants et les réfugiés. Mais la France n’est pas la seule à s’en prendre agressivement à ceux qui ont osé faire preuve de compassion. En Grande-Bretagne, 15 militants ont été condamnés l’année dernière pour avoir tenté d’arrêter ce qu’ils prétendaient être des expulsions illégales à l’aéroport de Stansted. Tous ces cas témoignent de la tendance inquiétante à la criminalisation de la solidarité. Les gouvernements qui poursuivent un programme agressif de lutte contre les réfugiés n’ont pas seulement cherché à rendre la vie misérable aux personnes qui exercent leur droit fondamental de demander l’asile, ils punissent maintenant quiconque ose les aider.